Les chasseurs volants


(Chaussés de mocassins et de raquettes magiques, ils fendaient l’air.)
Edmond, qui avait passé une quarantaine d’années avec les Montagnais sur les rives de la petite rivière L’Astache, du nom d’une bonne vieille Indienne, partait avec eux chaque automne vers leurs terrains de chasse.  Parmi toutes les aventures qu’il vécut, il aimait bien raconter celle des chasseurs volants.
trappeur-raquette
Un hiver alors qu’ils avaient fini de poser leurs pièges et qu’ils voulaient explorer des lieux nouveaux dans une région éloignée, la neige était si épaisse qu’ils ne pouvaient pas marcher en raquettes pour s’y rendre.  Le chef indien décida donc de se servir de ses pouvoirs magiques.  Il se mit alors à enduire les mocassins et les raquettes des trappeurs d’une substance secrète tout en prononçant des mots magiques.  Puis de la même manière que le faisait le chef indien, tous les chasseurs s’inclinèrent profondément en direction de l’endroit où ils voulaient se rendre.  Le chef lança ensuite un cri et, en même temps, un bruit de raquettes battant la neige se fit entendre.  Tous les chasseurs s’élevèrent alors lentement vers le ciel et ils fendirent l’air aussi allègrement que le faisaient les grands oiseaux qu’ils rencontraient.
Ils voyagèrent ainsi pendant une couple d’heures lorsque le grand chef hurla un signal incompréhensible.  Aussitôt le train d’enfer ralentit doucement, puis chacun des chasseurs atterrit en douce sur la neige durcie.
Quand le printemps se fit sentir, Edmond et ses amis amérindiens enroulèrent leurs fourrures pour s’en faire des paquets qu’ils fixèrent solidement sur tout leur corps.  De la même façon qu’ils étaient venus, ils reprirent la route du ciel chaussés de leurs raquettes magiques, et ils revinrent au Saguenay.
Edmond avait-il découvert le secret qui servait à propulser les raquettes des trappeurs ?  Mais par la suite, on le vit dans le ciel, à la poursuite d’outardes, ses raquettes lui servant toujours de moyen de transport.
mocassins
Wilfrid-Hidola GirardLe pionnier : Histoire romancée de la fondation  du Lac-Saint-JeanÉditions du Phare, 1972, 236 pages (p. 45 à 48)